Nous vous proposons de lire cet article qui nous semble intéressant et mesuré, traitant des réformes prévues sur l’ISF:
Tribune de Jean Marc Torollion :
« Le moins qu’on puisse dire, c’est que le parcours du Président Macron est heureux. Il l’a mérité, en incarnant une autre façon de faire de la politique, en n’ayant aucun tabou, en faisant preuve de courage dans ses propositions de réforme, et même dans les réformes qu’il a menées à bien en tant que ministre de l’économie.
Pourtant, dans ce tableau heureux, une ombre : son étrange jugement sur l’immobilier, qu’il a qualifié de rente pour justifier de recentrer l’IFI (impôt sur la fortune immobilière) sur les actifs de nature immobilière.
Voilà un regard marqué par l’obsolescence. On sent derrière cette appréciation, non pas une réflexion de fond, méthode à laquelle Monsieur nous a habitués, non pas de l’intelligence, qu’il incarne sans conteste, mais des a priori éculés. L’immobilier immobile, qui ne sert qu’à enrichir ceux qui le détiennent, l’immobilier hérité sans mérite, l’immobilier improductif. Il y a du Daumier dans tout cela. Monsieur Macron, vous pouvez mieux faire que de céder à ces idées reçues. Vous êtes un homme de chiffres, vous savez lire le réel en prenant connaissance d’indicateurs objectifs. Comment alors pouvez-vous sérieusement soutenir que l’immobilier est stérile et que les capitaux que les ménages y ont investis seraient mieux investis dans les entreprises ?
Ce qui nous oppose rappelle la célèbre parabole des talents, qui place celui qui a fait fructifier sa pièce au-dessus de celui qui l’a enterrée pour la protéger. Non, les propriétaires immobiliers, en grande partie à la tête d’un patrimoine résidentiel, n’ont pas enterré leur talent. Il contribue bel et bien à la création de richesse au profit de la collectivité.
Les chiffres ? Quelques-uns seulement pour ne pas lasser. La filière de l’immobilier, ce sont plus de deux millions d’emplois, et un logement construit en crée près de deux de plus. L’activité des entreprises en bâtiment est fondée pour moitié sur la production, essentiellement de logements, mais pour moitié sur l’entretien et la rénovation des maisons et des immeubles collectifs. Le logement rapporte à l’État plus de 60 milliards par an et de l’ordre de 40 milliards aux collectivités locales. Un chiffre encore ? Les 4,5 millions propriétaires bailleurs privés, dont la quasi-totalité des 350 000 assujettis à l’ISF et demain peut-être à l’IFI, logent 6,5 millions de ménages. Qui soutiendrait que leurs investissements sont inutiles ? Les résidences principales ? Si le code général des impôts a fini par admettre un abattement sur la valeur déclarative des contribuables pour le calcul de l’ISF, c’est bien qu’idéologiquement l’État est gêné aux entournures au moment de considérer le logement occupé comme un actif luxueux et improductif.
Oui, mêmes les gens aisés doivent se loger. On pourrait plutôt exclure par principe cet actif de l’assiette de l’ISF, avec une valeur plafonnée en fonction du quotient familial.
Il reste deux types d’actif : les résidences secondaires et les terrains. Oui, on peut estimer moralement que les premiers sont superfétatoires et doivent entrer dans l’assiette de l’ISF. Cependant, que penser de ces résidences qui sont louées un quart ou un tiers de l’année pour permettre à leurs propriétaires de payer leur taxe foncière et leur taxe d’habitation ? Ces propriétaires-là ne sont-ils pas à ranger du côté des bailleurs qui apportent un service logement à la collectivité ?
Enfin, il y a les terrains à bâtir. Que sont ces actifs sinon la matière première de la construction, dont le pays a tant besoin ? Sans propriétaires fonciers privés, pas de production de logements et pas d’offre neuve en quantité suffisante. On est loin d’un actif inutile : les terrains sont au principe de l’activité du bâtiment, de la promotion et de la construction. Tout au plus pourrait-on assujettir l’exonération d’ISF au profit de ces actifs sous condition que les propriétaires les cèdent dans un délai de sept ans par exemple après leur intégration dans leur patrimoine, par achat ou par héritage.
On mesure combien l’appréciation de l’immobilier par Monsieur Macron a manqué de discernement et d’analyse. Non, tout l’immobilier n’est pas une rente. A moins que le propos du Président ait eu une autre finalité : assécher l’ISF de la moitié de ses ressources d’abord, pour en exclure ensuite l’autre moitié, et défaire finalement la France de cet impôt absurde et idéologique. Ce projet fiscal serait respectable. On en accepte l’augure.
Jean-Marc TORROLLION »